La carrière de Jacques Drouin est liée à l’une des techniques les plus rares de l’animation : l’écran d’épingles (animación de agujas*). Les films réalisés avec cet appareil étant peu nombreux, les possibilités de comparaisons sont limitées. Il faut donc placer le travail de Drouin dans la lignée de celui d’Alexandre Alexeïeff (1901-1982) et de Claire Parker (1906-1981), les pionniers de cette technique. Or, bien que les liens soient évidents, il faut reconnaître que le cinéaste a su affirmer sa personnalité en explorant les possibilités de l’instrument.
Dans ses deux premiers films (Trois exercices sur l’écran d’épingles d’Alexeïeff, 1974, et Le paysagiste, 1976), les images, teintées de surréalisme, s’enchaînent au fil de métamorphoses envoûtantes. On retrouve ici une poésie lyrique qui rappelle celle de ses prédécesseurs (on pense à Une nuit sur le Mont Chauve, 1933). Cependant, Le paysagiste, qui raconte les déambulations d’un peintre pénétrant dans l’univers de son tableau, est aussi une œuvre d’intériorité, d’une grande qualité d’émotion. Il s’agit d’ailleurs de la première réalisation marquante de Drouin.
"Le Paysagiste " (1976)
Les années suivantes voient Drouin explorer d’autres pistes. D’abord, il coréalise avec le tchèque Bretislav Pojar L’heure des anges (1986), associant sa technique à l’animation de marionnettes. Le film, tourné sans l’assistance de l’ordinateur, résulte d’un processus complexe grâce auquel les images conçues à l’écran d’épingles se surimposent aux figurines. Cette expérience combinatoire n’aura toutefois pas de suite dans la filmographie du cinéaste, si ce n’est que celui-ci explorera davantage la narration. Historiquement, l’écran d’épingles a toujours été perçu comme une technique de la rêverie; n’ayant pas la mobilité d’une caméra, il se prête mal au découpage cinématographique. Or, dans les œuvres suivantes (Ex-enfant, 1994 et Une leçon de chasse, 2001), Drouin applique à l’appareil les règles de la prise de vues réelles (champ contrechamp, mouvements de caméra, etc.), faisant preuve d’une virtuosité qui demeure peu visible à l’écran.
Empreintes (2004) peut être vu comme un retour aux sources. En effet, nous sentons planer ici l’ombre du Paysagiste. Construit sur un enchaînement de métamorphoses, le film présente la relation d’un artiste avec sa création, à la différence que Drouin y prend la place du peintre et que le tableau est remplacé par l’écran d’épingles. La caméra s’approche très près de la surface, s’aventure derrière elle, dévoile nettement sa matérialité (le métal des épingles, le bas-relief formé par celles-ci). Œuvre emportée et poignante, Empreintes est aussi une déclaration d’amour d’un cinéaste pour l’instrument qui l’a accompagné presque toute sa vie.
Entrevista ONF Jacques Drouin
Biographie:
En 1967, Jacques Drouin découvre l’écran d’épingles* d’Alexeïeff-Parker, un appareil permettant de réaliser des films semblables à des gravures en mouvement. Après des études aux Beaux-Arts et en cinéma, il réalise Trois exercices sur l’écran d’épingles d’Alexeïeff (1974), un film qui annonce Le Paysagiste (1976). Dépeignant les pérégrinations d’un peintre qui pénètre dans l’univers de son imagination, l’œuvre remporte 18 prix internationaux et se voit attribuer la 13e place dans un palmarès des meilleurs films d’animation de tous les temps.
Dans L’Heure des anges, film qu’il a coréalisé avec Bretislav Pojar en 1986, Jacques Drouin intègre les marionnettes du cinéaste tchèque à son univers graphique et y ajoute la couleur. On lui doit également Ex-enfant (1994), pour la collection Droits au cœur, et Une leçon de chasse (2001), d’après un conte de Jacques Godbout. Dans Empreintes (2004), 30 ans après Le Paysagiste, il aborde de nouveau le thème de la création artistique, plaçant l’écran d’épingles au cœur de sa réflexion. Jacques Drouin a aussi signé le montage de quelques films d’animation et réalisé les séquences animées de certains documentaires. (via)
*Animación de pantalla de agujas
La animación de pantalla de agujas es una de las técnicas de animación más originales. Se hace uso de una pantalla llena de agujas que pueden moverse hacia adentro o hacia afuera, presionándolas con un objeto. Estas agujas generan un relieve, el cual se ilumina desde los costados para generar una imagen en la pantalla, con su sombra. El resultado es una imagen que podría confundirse con un sombreado hecho a carbonilla. Con esta técnica se puede lograr una amplia gama de efectos de texturas muy difíciles de conseguir con la animación tradicional por celdas. La técnica fue desarrollada por Alexandre Alexeieff y su esposa Claire Parker, quienes a menudo visitaban el National Film Board of Canada. Esta pareja realizó un total de seis cortometrajes con la pantalla, en un período de cincuenta años.
La pantalla original tenía 240.000 agujas, las que usualmente eran presionadas una por una con una pequeña herramienta o con otros instrumentos especialmente diseñados. Las agujas se unían firmemente a la pantalla, para que la imagen producida por éstas permanezca estable durante días o incluso semanas, dado que cada una era compuesta con tal sutileza. Hoy en día hay disponibles pantallas más pequeñas y baratas, que se venden en la web o en museos de ciencia.
Según Claire Parker, las imágenes creadas con la pantalla de agujas posibilitaban la realización de películas animadas que se escapaban del aspecto chato y "cómico" de la animación por celdas, dando lugar en cambio a efectos dramáticos y poéticos gracias a la explotación del chiaroscuro.
Un animador contemporáneo que utiliza esta técnica es Jacques Drouin, del National Film Board.
Se han hecho varios programas de computador que simulan el efecto de una pantalla de agujas tradicional. (via)
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